• Texte Modiano Gabin

     

    Rédaction de Français a la manière de Patrick Modiano

     

     

    Un matin de juin, je me promenais, longeant les quais de Seine, en me demandant si un jour un résistant était passé par ces mêmes quais. Je l’imaginais, ce résistant, vêtu d’un chapeau de feutre noir, d’un grand manteau en gabardine, transportant des documents secrets. Il passait devant des allemands, mais il gardait son sang froid malgré le danger.

     

     

     

    Tandis que je le décrivais physiquement dans ma tête, une enveloppe attira mon attention ; elle était posée là, par terre, au détour d’une ruelle, presque invisible.

     

    Je m’approchais et l’inspectais. Je compris plus tard que j’avais trouvé là la plus belle chose qui m’ais été donné de voir : une lettre datant de 1943 écrite à Paris par un résistant

     

    Je regardais autour de moi pour voir si son propriétaire ne se trouvait pas aux alentours. Personne. Je rentrais donc chez moi le sourire aux lèvres et l’air joyeux.

     

     

     

    Une fois chez moi, j’examinais le morceau de papier ; un résistant du nom de Tony Bloncourt annonçait sa mort à sa famille. Cette lettre m’a profondément émue car l’auteur présentait sa mort avec courage et bravoure, disant qu’il était fier d’avoir servi son pays et d’avoir aidé la Résistance.

     

    Je voulu alors savoir ce qu’il en était de la vie des résistants à cette époque.

     

    J’allais donc me documenter sur le sujet dans les bibliothèques, sur internet ou en interrogeant mes arrières –grands-parents. J’appris alors que les résistants changeaient de noms deux fois par semaine pour que les Allemands ne les retrouvent pas sous la même identité deux fois de suite. Quel était donc son vrai nom ?

     

     

     

    Je me mis à imaginer la journée de Tony Bloncourt le jour de sa mort.

     

    Le matin, en se levant, avait-il conscience du danger où était- il déjà aux mains des allemands ?

     

    En effet il était courant que les allemands mettent en place des souricières, cela consistait à se rendre dans l’habitation même du résistant et de le capturer lorsqu’il rentrait chez lui.

     

    Avait-il été torturé ? Car il était courant lors du régime de Vichy que lorsqu’un résistant était capturé il n’était pas exécuté sur le champs mais torturé pour lui soutirer des informations précieuses. Toutes ces questions rebondissaient dans ma tête. Après réflexion, je me dis qu’il avait dû avoir été piégé par les allemands dans la journée et qu’il avait écrit sa lettre en prison.

     

    Mais le matin de sa mort où allait-il ? Prendre des instructions auprès de son supérieur, chercher une livraison de journaux clandestins ? En effet le trafic de journaux ou de tracts résistants était monnaie courante à l’époque.

     

    Peut être même avait-il déjà reçu des ordres qu’il s’apprêtait à exécuter. Quoi qu’il en soit il s’était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.

     

    Une autre question se posa alors : comment avait-il été arrêté ? Dans un ruelle où dans une souricière, dans la rue trahi par un simple contrôle, rien, je n’en savais rien.

     

    Où avait-il mangé ? S’était-il offert une place au restaurant ou bien était-il dans la demeure d’un de ces contacts résistants. A moins qu’il n’ai pas mangé du tout.

     

     

     

    Toutes ces questions et pas une seule réponse, seulement le vide, l’ignorance.

     

    Qu’avait-il fait après son repas ? S’était-il reposé ? Etait-il allé au QG du secteur ? Il faut savoir que les résistants dé coupaient la France en secteurs et chaque secteur est doté d’un QG (quartier général ) que ce soit une bâtisse abandonnée ou un appartement quelconque .

     

    Peut être bien avait-il simplement choisi de se promener après sa mission ? Ha oui je l’imagine se promener sur les quais de Seine, ne pensant plus ni àla guerre ni àla mort mais à sa femme et ses enfants et aux milliers de personnes qui se battaient sous le drapeau révolutionnaire orné de la croix de Lorraine.

     

     

     

    Et là, la question de son arrêt se posa à nouveau : marchait-il quand tout à coup on le matraqua par derrière ? Rentrait chez lui paisiblement quand il trouva, en poussant sa porte, des nazis assis tranquillement sur son divan ? Je n’en savais toujours rien.

     

    Une seule certitude : il s’était retrouvé aux mains des Allemands et avait été jeté en prison. Il savait sa mort certaine au moment où il écrivait cette lettre.

     

     

     

    Enfin, une dernière question se posa à moi : comment était il mort ? Souvent a moins d’un miracle les prisonniers résistants étaient tué après leur torture. Avait-il subit la cruelle pratique des nazis qui consistait à laisser courir les condamnés pour ensuite leur tirer dessus ou bien avait-il « simplement » reçu une balle dans la nuque ? Comment avait-il appréhendé sa mort ? Bien que les résistants soit préparés a la morts je n’exclus pas l’hypothèse qu’il pu pleurer en pensant a sa famille. Chantait-il à la gloire du général De Gaulle ? Etait-il resté impassible ? Car il parait qu’une fois face à la grande faucheuse, quand on sent son souffle froid dans notre nuque, on ne peut réaliser l’amplitude de cette chose étrange qu’est la mort.

     

    Le peu que je sache c’est qu’une fois le noir infini venu à lui, il était heureux d’avoir servi la France et probablement avait il le sourire aux lèvres.

     

     

     

    La découverte de cette enveloppe m’a rapproché de ces gens qui ont donné leur vie pour la France, ces héros du quotidien, ces ombres insaisissables et indomptables : Les Résistants.

     

     

     

     

     

    Texte Original:

    Maman, Papa chéris,
    Vous saurez la terrible nouvelle déjà, quand vous recevrez ma lettre. 
    Je meurs avec courage, je ne tremble pas devant la mort. Ce que j’ai fait, je ne regrette pas si cela a pu servir mon pays et la liberté. Je regrette profondément de quitter la vie parce que je me sentais capable d’être utile. Toute ma volonté a été tendue pour assurer un monde meilleur. J’ai compris combien la structure sociale actuelle était monstrueusement injuste. J’ai compris que la liberté de dire ce qu’on pense n’était qu’un mot et j’ai voulu que cela change. C’est pourquoi je meurs pour la cause du socialisme. 
    J’ai la certitude que le monde de demain sera meilleur, plus juste, que les humbles, et les petits auront le droit de vivre plus dignement, plus humainement. Je garde la certitude que le monde capitaliste sera écrasé. Pour cette cause sacrée il m’est moins dur de donner ma vie.
    Je suis sûr que vous me comprendrez, Papa et Maman chéris, que vous ne me blâmez pas. Soyez forts et courageux. Vous me sentirez revivre dans l’œuvre dont j’ai été un des pionniers. 
    Mon cœur est plein de tendresse pour vous, il déborde d’amour. Je vois toutes les phases de cette enfance si douce que j’ai passée entre vous deux, entre vous trois car je n’oublie pas ma Dédé chérie. Tout mon passé me revient en une foule d’images. Je revois la vieille maison de Jacmel, le petit lycée, les leçons de latin et M. Gousse. Ma pension au petit séminaire et le retour des vacances, mon vieux Coucoute que j’aurais voulu guider à travers la vie et mon petit Gérald.
    Je pense à vous de toute ma puissance, jusqu’au bout, je vous regarderai. Je pleure ma jeunesse, je ne pleure pas mes actes. Je regrette aussi mes chères études, j’aurais voulu consacrer ma vie à la science. 
    Que Coucoute continue à bien travailler, qu’il se dise que la plus belle chose qu’un homme puisse faire dans sa vie c’est d’être utile à quelque chose. Que sa vie ne soit pas égoïste, qu’il la donne à ses semblables quelle que soit leur race, quelles que soient leurs opinions. S’il a la vocation des sciences qu’il continue l’œuvre que j’avais commencé d’entreprendre ; qu’il s’intéresse à la physique et aux immortelles théories d’Einstein dont il comprendra plus tard l’immense portée philosophique. Que mon petit Gérald, lui aussi travaille bien et arrive à quelque chose. Qu’il soit toujours un honnête homme.
    Maman chérie, je t’aime comme jamais je ne t’ai aimée. Je sens maintenant tout le prix de l’œuvre que tu as entreprise à Haïti, continue d’éduquer ces pauvres petits haïtiens. Donner de l’instruction à ses semblables est la plus noble tâche ! Papa chéri, toi qui es un homme et un homme fort, console Maman, sois toujours très bon pour elle en souvenir de moi. Maman Dédé chérie, tu as la même place en mon cœur que Maman. Tous vivez en paix et pensez bien à moi. Je vous embrasse tous bien fort comme je vous aime. Tout ce que j’ai comme puissance d’amour en moi, passe en vous. Papa, sois fort. Maman, je te supplie d"être courageuse. Maman Dédé, toi aussi. Mon vieux Coucoute et mon vieux Gérald, je vous embrasse bien, bien fort. Il faut aussi embrasser maman Tata bien fort. Pensez à moi. 
    Adieu !
    Votre petit Toto

     

     


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