• Une journée en 43 O. Gaston

       Je m’appelle Hélène. J’ai onze ans. J’habite rue St Honoré à Paris à côté du Louvre avec ma mère et ma grand-mère au 6ème étage d’un immeuble bourgeois dans les combles. Nous n’avons qu’une seule pièce pour dormir et manger et c’est tant mieux car en cet hiver 1943, il fait très froid.

    Depuis le début de la guerre, les hivers sont longs et rigoureux. Toutes les denrées alimentaires sont rationnées ainsi que les matériaux de chauffage, les vêtements, les chaussures. Heureusement, nous avons de la famille en Normandie qui nous envoie de temps en temps des colis. Sinon, nous nous nourrissons d’un peu de pain et de rutabagas.

    Ma mère passe un temps interminable devant des magasins presque vides. Il y a une voisine de l’immeuble d’à côté qui élève des poules et des lapins dans sa cave et qui nous en donne de temps en temps. Ma grand-mère se débrouille également pour récupérer aux Halles des produits invendables : des œufs cassés, des fruits abîmés pour que nous mangions un peu plus équilibré.

    Nous n’avons pas assez d’argent pour acheter des produits au marché noir. L’année dernière, c’est en nous rendant à la campagne pour boire du lait frais que j’ai attrapé la tuberculose bovine. Je suis guérie aujourd’hui.

    Le quotidien, c’est aussi de nombreux bombardements sur Paris. Il y a deux ans, un avion anglo-américain a été abattu non  loin de chez nous, au-dessus du musée du Louvre. Il a pris feu et a fait de nombreux dégâts. L’explosion a fait souffler nos vitres et les écouteurs de l’aviateur ont atterri dans notre appartement. Quand l’alerte est donnée par les sirènes, nous nous précipitons dans les abris et attendons que cela passe… Les Parisiens qui craignent les bombes ont depuis longtemps déserté Paris.

    Même les voyages ferroviaires sont risqués. En allant rendre visite à notre famille normande il y a trois ans, notre train a été la cible d’un raid aérien. Les voyageurs sont sortis du train, effrayés. Certains sont morts. Nous nous en sommes sorties saines et sauves. Ma mère a, depuis, quelques éclats d’obus sous la peau.

    Le quotidien, c’est enfin la présence des soldats allemands. En 1940, j’avais 7 ans. Je me promenais en compagnie de ma grand-mère. Nous revenions des Tuileries et nous avons croisé un « boche » à qui j’ai tiré la langue. Il a fait demi-tour, est revenu vers nous en interpellant ma grand-mère qui s’est confondue en excuses  en justifiant mon attitude : «  Ne faites pas attention. C’est une petite, elle ne sait pas ce qu’elle fait. Elle aime faire des grimaces à tout le monde.  »

    Nous étions quittes pour une belle peur.

     

    une fille et sa mère en 1943


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